Paradise
(Ma dar Behesht)

« Nous sommes au paradis ». Parfait laissez-passer pour une commission de censure, le titre original du premier film de l’Iranien Sina Ataeian Dena voit pourtant dès les premières secondes son ironie éclater au grand jour – ou plutôt sur l’écran noir d’une introduction aux dialogues glaçants. Puis le noir encore, celui d’un long tchador dont émerge le visage morose de la belle Hanieh. Institutrice dans une école de la banlieue éloignée de Téhéran, elle doit chaque jour parcourir aux aurores un trajet éreintant, dans l’attente que sa demande de mutation soit enfin traitée. Hanieh occupe un poste clef dans la formation d’une nouvelle génération de jeunes filles, mais elle est à bout de forces et, malgré de discrets actes de rébellion, semble perdre la capacité de voir dans son propre comportement la reproduction de règles qui pourtant l’oppressent. Subtil, Sina Ataeian Dena n’exige pas de ses rares personnages masculins qu’ils soulignent le trait d’une terreur sexuelle sous-jacente et parfaitement intégrée par leurs concitoyennes comme étant la norme. Conçu comme le premier volet d’une trilogie sur le thème de la violence, ce bijou d’élégance et de subtilité est bien plus qu’un début prometteur. Aurélie Godet