I Am Not a Witch
(I Am Not a Witch)

« Je ne suis pas une sorcière » est le titre du film mais une phrase jamais prononcée par Shula, interprétée par la petite Margaret Mulubwa dans son premier rôle. Âgée de neuf ans, orpheline, elle sera accusée de sorcellerie par la vox populi avec l’assentiment complice d’une fonctionnaire de police. Le silence taciturne de l’enfant vaut pour épicentre d’une satire sur la ségrégation de jeunes filles et femmes âgées sans protection familiale dans plusieurs pays africains. Le fable composée par Rungano Nyoni dévoile les mécanismes d’un délire collectif dont le résultat est un asservissement anachronique. Si l’absurde mais originale idée des rubans par lesquels les sorcières sont attachées par le dos pour limiter leur mobilité matérialise leurs entraves, elle est aussi l’image des superstitions dans lesquelles la société reste prise. Cet élément « fantastique » dit le tracé précis proposé par le film à l’exacte intersection du réel et de sa métaphore. Et comme pour ne pas accabler davantage ses personnages du sort qui leur est fait, Rungano Nyoni distille sans prévenir un humour fin dont le casting non-professionnel est le remarquable émissaire. Filmé en Zambie, pays d’origine de la réalisatrice, ce premier long-métrage signale les débuts prometteurs d’une cinéaste ayant compris que la simple dénonciation des injustices étaient de courte portée. Pour ne pas « tourner chèvre » elle lui préférera l’invention d’un conte moderne et féministe lui offrant une chance de croiser sur sa route celle du cinéma. AR