Des jours et des nuits dans la forêt marque chez Satyajit Ray une inflexion inopinée. Prenant ses distances avec la peinture des structures sociales de ses films précédents, il développe ici une fable morale. Cinq citadins fuient Calcutta ; la forêt n’apparaît pas comme le refuge espérée mais comme un théâtre où se révèlent hypocrisie, désir et désarroi. Ray observe à la façon d’un Tchekhov — compassion pour les petites lâchetés humaines — et hérite de Renoir — il fut son assistant lors du tournage du Fleuve — une mobilité du regard, une manière de les laisser circuler dans un cadre apparemment ouvert mais traversé par une pluralité de tensions. Avec une économie des moyens, une précision des silences et une épure de gestes, le film fait de l’épreuve naturaliste une leçon d’éthique : une radiographie délicate des vanités modernes et masculines et une invitation à mesurer notre rapport au monde. Une partie de campagne au Bengale.
Jérôme Baron
Copie restaurée
