Fable of the Fish
(Isda)

Proches de la cinquantaine, Miguel et Lina ont quitté leur province pour aménager dans un bidonville près de Manille. Lina espérait encore tomber enceinte, et ses prières sont exaucées. Mais une nuit d’inondations, sa progéniture s’annonce différente du nourrisson attendu… Adolfo Alix Jr. filme avec un sens du cadre étonnant cette banlieue ordurière (comme on dirait pavillonnaire) : une immense décharge, ratissée tout le jour par des milliers d’habitants qui gagnent vivotent du recyclage. Ce lieu d’épouvante sociale, le cinéma philippin récent nous y a un peu habitué : Brillante Mendoza, par exemple, fait exister organiquement les ruelles du cinéma porno décati de Serbis, celles où vit la nourrice de John John ou les bicoques inondables de Lola. (Cherry Pie Picache, qui joue ici Lina, était d’ailleurs l’héroïne de John John et Anita Linda, la sage-femme du bidonville, interprétait le rôle-titre de Lola). Mais la force de Fable of the Fish est de partir de ce réalisme, d’en forcer le trait jusqu’au misérabilisme (le couple économise dûment pour s’offrir une moustiquaire), puis de prendre la tangente vers un réalisme presque magique, nourri de christianisme philippin. Un cocktail inédit, non dénué d’humour absurde. Charlotte Garson