Compétition internationale
46e édition
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Aspects du cinéma costaricain

COSTA RICA ET COSTARICAINES

Au cours de ses dernières éditions, le Festival des 3 Continents a cherché avec autant de modestie que de souci archéologique, à ressaisir le fil de l’histoire des cinématographies latino-américaines pour mieux mesurer les réalités de leurs évolutions récentes. Nous faisions le constat de l’importance des mécanismes économiques, politiques et institutionnels sur la production cinématographique en questionnant leurs effets concrets, durables, positifs, comme dans le cas colombien, ou bien nous nous préoccupions de confronter la vigueur des défenses immunitaires du cinéma à l’instabilité de certains environnements comme en Argentine ou bien de manière préoccupante désormais au Brésil après une quinzaine d’années d’effervescence.

À la différence des trois pays évoqués, le Costa Rica est caractérisé comme beaucoup d’autres pays d’Amérique centrale par une courte tradition cinématographique, artistiquement dominée par le court métrage et le documentaire pour ce que nous parvenions à en apercevoir jusqu’à récemment. Cela ne doit pas occulter bien sûr que des longs métrages de fiction y furent régulièrement et de longue date tournés et produits, plus encore à partir de la seconde moitié des années 1970 lorsque s’est structurée une production indépendante costaricaine dont les bases servent encore le cinéma d’aujourd’hui.

Pays aux dimensions modestes, ni plus petit ni plus grand que ses voisins, logé entre le Nicaragua et le Panama, l’Atlantique à l’est et le Pacifique à l’ouest, la géographie semble avoir imposé au cinéma costaricain un lien profond avec ses façades littorales et un patrimoine naturel qui fait l’objet d’une extrême attention. Il ne s’agit pas ici de faire la promotion touristique d’un état indépendant connu pour avoir été le premier à abolir au milieu du siècle dernier son armée afin d’éloigner l’ombre d’une guerre civile qui fit ultérieurement des ravages dans toute cette région centrale de l’Amérique. Non, il se trouve que parmi ses singularités, et comme une conséquence possible de sa dimension, le pays voyage dans un cinéma qui est comme traversé en retour par lui-même. Les films semblent prêts à saisir la moindre occasion de prendre leurs distances avec San José, la capitale, pour réinvestir une relation tour à tour intime, sociale, politique, renouer le contact avec un réel, luxuriant, contrasté, pour mieux trouver à se raconter. Sacramento de Hilda Hidalgo est certainement parmi les films qui rendent ce mouvement le plus manifeste, le plus personnel aussi, cherchant au bord de l’eau, la source d’un poème pour conjurer son spleen. Le littoral et la nature s’ouvrent à une polysémie perçue comme nécessaire : déambulations, abandons, pertes, retrouvailles, comme il en va dans Agua fría de Paz Fábrega. Ces traversées costaricaines sont volontiers romantiques, romancées, expiatoires mais on vient aussi sur la côte, réalité portuaire oblige, pour y travailler comme le rappellent à une autre époque les personnages du documentaire Puerto Limón, film pionnier de cette programmation. On pourrait se hasarder à penser cet appel du littoral – jamais celui du grand large – comme l’inconscient des vents et des courants qui contribuèrent à fonder l’identité métissée de la culture costaricaine ? Mais suivant quelques-uns de ces chemins tracés par les films, une autre carte se superposait bientôt à la première. Elle laissait apercevoir qu’entre personnages et auteurs de films, la tentation du cinéma aurait aussi au Costa Rica une coloration, une vigueur toute féminine.

Et c’est ce chemin, ce « camino » pour reprendre le titre du film de Ishtar Yasin Gutierrez, que nous nous sommes décidés à emprunter. De Puerto Limón et Las Cuarentas de Victor Vega, il passe par San José et Medea d’Alexandra Latishev Salazar pour rejoindre Selva la jeune héroïne de Ceniza negra, le premier long métrage de Sofía Quirós Ubeda. Qui sait à travers quel pays le cinéma costaricain nous conduira encore à l’avenir ?

Jérôme Baron

Films