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Hommage à Tu Duu-chih

DU CINÉMA POUR VOS OREILLES HOMMAGE À TU DUU-CHIH

Il est certain que pour beaucoup de personnes qui ont vu les films de Hou Hsiao-hsien, Edward Yang, Tsai Ming-liang et Wong Kar-wai, dont le dernier film 2046 est actuellement sur les écrans dans toute la France, et mis à part ceux qui regardent attentivement les génériques des films, le nom de Tu Duu-chih ne dira absolument rien. Pourtant, pour moi et beaucoup d’autres, ce nom est celui du meilleur artiste asiatique dans le domaine du son. Ce n’est pas pour rien si tous les meilleurs réalisateurs asiatiques se battent pour obtenir les services de celui qu’ils surnomment le  » passionné obsessionnel du son « . Depuis la création du Festival des 3 Continents en 1979, à l’exception de quelques films taïwanais dont le son m’avait paru de bonne qualité, j’ai eu, principalement dans le cinéma asiatique, maintes et maintes fois à déplorer la mauvaise qualité des bandes sonores, sans parler de la musique qui était, neuf fois sur dix, d’une médiocrité affligeante. C’est en voyant Bu San (Goodbye, Dragon Inn) de Tsai Ming-liang, film comportant peu de dialogues, que j’ai découvert une bande-son exceptionnelle et qu’il me paraissait évident que la personne responsable du son était un artiste à part entière. Rendre un hommage à un très grand technicien du son — ce que nous n’avions jamais fait auparavant au Festival — s’est donc imposé tout de suite. C’est avec beaucoup d’enthousiasme que nous célébrons cette année quelqu’un qui le mérite amplement, Tu Duu-Chih, pour sa contribution artistique à la cinématographie taïwanaise et, depuis quelques années, asiatique. Si la qualité artistique d’un film dépend principalement du réalisateur, que l’on peut considérer comme un véritable chef d’orchestre, il ne faut jamais perdre de vue que les choix de ses collaborateurs (acteurs, techniciens image et son, etc.) peuvent être déterminants. Avoir la possibilité de travailler avec un technicien aussi talentueux que Tu Duu-chih ne peut qu’ajouter une valeur inestimable au film.

Alain Jalladeau

 

M. Tu est l’exemple parfait d’un processus romantique tout simple : lorsqu’on est amoureux de quelque chose, on devient idéaliste, on ne compte plus son temps, on travaille plus, on surmonte les obstacles et les échecs que l’on transforme en expériences positives, jusqu’au jour où l’on se rend compte qu’on est au plus haut, avec l’objet de son amour. M. Tu est sans aucun doute au plus haut et le meilleur du monde dans le domaine du son, l’amour de sa vie. Il a passé des journées entières dans son studio sans dormir pour aider ses amis cinéastes, dont je suis, à terminer leur travail le mieux possible, avant des événements de première grandeur comme le festival de Cannes. M. Tu sait que la qualité du son constitue la moitié de ce qui fait un film, l’autre moitié étant l’image. M. Tu sait que la qualité du son représente plus encore dans la transmission des émotions intenses et subtiles interprétées par l’acteur. M. Tu sait que la qualité du son permet aux spectateurs de ressentir un espace plus vaste et plus profond que les 45 degrés de perspective visuelle offerts par un objectif de 50 mm. J’ai eu la très grande chance de rencontrer M. Tu dès mon premier film. J’ai tout de suite su que je ne ferai pas d’autres films sans M.Tu. Je suis convaincu que plusieurs de mes amis cinéastes sont de mon avis.

Edward Yang

 

Pour Claude Lévi-Strauss, l’artiste n’est pas quelqu’un qui recopie, mais qui recrée une réalité, à travers sa sensibilité. L’art est le moyen que l’homme a trouvé pour avoir sa place en ce monde. Si le travail d’un artiste est une occupation en perpétuelle évolution, ce qui ne peut changer, c’est sa technique de création.
Un lanceur de base-ball professionnel affirmait :  » Pendant 30 ans, je n’ai fait que lancer une balle. À part ça, qu’est-ce que je sais faire d’autre ?  » Ce travail, alors enrichi d’une longue expérience, peut paraître un acte simple aussi naturel qu’un langage. Par la diversité de ses créations, l’artiste, à l’inverse de l’artisan, acquiert davantage de techniques qui deviennent une grammaire. Je connais Tu Duu-chich depuis 30 ans. On l’appelle  » le passionné obsessionnel du son « . Il fabrique et conçoit du son depuis les années 70. Et il le recrée encore aujourd’hui…

Hou Hsiao-hsien

 

Les jeunes cinéastes de Taïwan le surnomment le grand frère Tu.
Derrière ce surnom se cache à la fois une familiarité et un grand
respect. J’ai commencé à travailler avec le grand frère Tu seulement à partir de
mon cinquième long métrage, Et là-bas quelle heure est-il ?. Mais en réalité, notre première rencontre eut lieu bien plus tôt que cela. En 1983-1984, il remporta son premier prix avec Le Petit Fugitif, dont j’avais écrit le scénario. En 1992, durant la postproduction de mon premier long métrage Les Rebelles du dieu Néon, l’ingénieur du son de mon film et le studio Central Motion Pictures avaient du mal à s’entendre. J’étais très soucieux, à ce moment-là, d’autant plus que mon père venait juste de décéder. Un jour, le grand frère Tu passait au studio. Voyant quelques images du film, il décida de m’aider, alors que je n’étais qu’un jeune réalisateur et que nous nous connaissions à peine. Il me dit de partir tranquillement dans mon pays natal pour les obsèques de mon père, il allait s’occuper de tout. Peu de temps après, il quitta le CMPC, le plus grand studio du parti Kuomingdang à cette époque. Bien des années après, nous nous sommes retrouvés dans un monde du cinéma plus libre. Nous avons travaillé ensemble pour Et là-bas quelle heure est il ?, Le Pont n’est plus là, Goodbye Dragon Inn, puis Un nuage au bord du ciel et nous continuerons notre chemin ensemble.

Tsai Ming-liang

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