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Amitabh Bachchan, Big B Forever

DEEWAR de Yash Chopra

Évoquer le cinéma populaire indien, généralement résumé à Bollywood, consiste le plus souvent à mentionner le nom de stars voire de superstars plutôt que des titres de films. Celui d’Amitabh Bachchan, par excellence, icône absolue et indétrônable, désigné par la BBC puis la revue Time comme la star du millénaire. L’éclat de son nom n’a aucun équivalent si ce n’est celui de son héritier – si différent – Shah Rukh Khan, qui partagea plusieurs fois l’affiche avec lui. Amitabh Bachchan est, plus qu’un acteur, un mythe vivant et son portrait visible dans toutes les rues du sous-continent indien depuis plus d’un demi-siècle fait vivre sa légende. Mais pourquoi ce culte Bachchan ? Le Festival des 3 Continents décrypte le phénomène Big B à travers neuf films emblématiques d’une carrière qui en compte plus de deux cents.

Editorial – Amitabh Bachchan : Big B Forever par Shivendra Singh Dungarpur

En 1999, un sondage lancé par la BBC proclamait Amitabh Bachchan « plus grande star de la scène et du cinéma ». En octobre 2003, le magazine TIME le saluait comme « la star du millénaire ».
En 1970, la période de lune de miel qui a suivi l’indépendance de l’Inde prenait fin et le pays fut confronté à des troubles sociaux et politiques généralisés. L’inflation galopante, la hausse du chômage et de la corruption attisèrent la colère du peuple dans l’indifférence du gouvernement. C’est ce sentiment d’impuissance et de rage qu’Amitabh Bachchan a su incarner à l’écran, montrant comment les plus faibles pouvaient riposter, et qui le propulsa vers la gloire dans le personnage emblématique du jeune homme en colère. Aucun autre acteur en Inde n’a su depuis réendosser cette colère à l’écran, qui reste pertinente pour le public même un demi-siècle après ses débuts en 1969, trait d’union entre le passé, le présent et l’avenir du cinéma populaire.
Dans un monde où l’image en mouvement a été réduite à un contenu consommé à la demande sur des appareils connectés, le cinéma sur grand écran et l’expérience partagée avec le public, que nous chérissons, sont aujourd’hui confrontés à un énorme défi. Pour la Film Heritage Foundation, le 80e anniversaire d’Amitabh Bachchan, le 11 octobre 2022, était l’occasion idéale de célébrer une icône absolue mais aussi de démontrer que ses films, et la superstar qu’il est, n’ont pas d’âge. Nous voulions changer la perception selon laquelle le patrimoine cinématographique doit être confiné aux rétrospectives des festivals et des institutions culturelles. Nous savions que si quelqu’un pouvait faire
reprendre le chemin des salles au public après la pandémie, c’était la version vintage de Bachchan.

Un acteur de la stature d’A. Bachchan devait avoir une vitrine à son échelle et c’est pourquoi, lors d’un festival unique en son genre intitulé « Bachchan Retour aux origines », nous avons organisé une grande rétrospective présentant 11 de ses films emblématiques, tournés durant les années 1970 et 1980 pour les projeter du 8 au 11 octobre 2022 dans 19 villes et 25 cinémas à travers l’Inde. Ces films dévoilent les multiples visages de cet acteur extraordinaire avec sa voix de baryton caractéristique, comme ils ont été fixés sur la pellicule. Il avait une capacité exceptionnelle à passer, tel un caméléon, de la colère à la vulnérabilité, de l’anti-héros intense et brûlant à l’homme de la rue, ou à l’adorable péquenaud, avec un timing comique incomparable.
Le succès de « Bachchan Retour aux origines » a été phénoménal en Inde. La plupart des projections étaient complètes et davantage de villes et de cinémas ont été ajoutés à la demande du public. De nombreux jeunes regardaient ces films pour la première fois sur grand écran et les appréciaient. Les gens applaudissaient, sifflaient, chantaient, dansaient, pleuraient alors qu’ils se plongeaient dans cette fièvre Bachchan pendant quatre jours.

La Film Heritage Foundation s’associe à nouveau au Festival des 3 Continents pour présenter une sélection éclectique de films couvrant une période allant de 1973 à 1982, bien que son incroyable carrière compte plus de 200 films jusqu’à aujourd’hui. A.Bachchan était alors au sommet de sa carrière. L’un de ses premiers succès, Abhimaan (Pride, 1973) est un drame musical réalisé par Hrishikesh Mukherjee, dans lequel il incarne un mari envieux qui ne peut pas faire face au succès de sa femme, jouée par son épouse Jaya Bachchan (née Bhaduri), et considéré par beaucoup comme l’une de ses plus belles performances.
Le mythique blockbuster en 70 mm de Ramesh Sippy, Sholay (1975), est encore considéré comme l’un des plus grands films du cinéma hindi. Le film remixe librement des aspects du western spaghetti et a été projeté au cinéma Minerva à Bombay pendant cinq années consécutives, de 1975 à 1980.

Le cultissime Deewaar (Le Mur, 1975) réalisé par Yash Chopra a consacré A. Bachchan dans son rôle du « jeune homme en colère ». Kabhi Kabhie (1976), toujours réalisé par Yash Chopra, est un drame romantique qui réin- venta l’image d’A. Bachchan, poète confronté à la perte de son amour, l’éloignant du stéréotype grandissant du héros bouillonnant de rage et d’angoisse. Amar Akbar Anthony (1977), énorme succès au box-office réalisé par Manmohan Desai, est un surprenant mélange d’ingrédients du cinéma populaire. Ce film, dans lequel A. Bachchan incarne l’un des trois frères séparés à l’enfance, combine action, comédie et mélodrame, à travers d’improbables péripéties où le public est invité à mettre son incrédulité de côté.

En 1978, la célébrité de Bachchan atteint un sommet. Trishul (Trident, 1978), à nouveau de Yash Chopra, ouvre un autre chapitre parmi les films où il endosse avec succès son rôle du jeune homme en colère. Il y incarne un héros rongé par un désir de vengeance et ce rôle est resté mémorable pour sa manière d’asséner des dialogues puissants dans un style inimitable. Dans le thriller Don (1978) réalisé par Chandra Barot, A. Bachchan se distingue encore dans le double rôle d’un gangster cool et sophistiqué, Don, et de son sosie, un simplet appelé Vijay. Inspiré par la catastrophe minière de Chasnala, l’impressionnant Kaala Patthar (1979) de Yash Chopra met en scène A. Bachchan dans le rôle d’un officier de la marine marchande en disgrâce qui travaille comme mineur et cherche la rédemption en défendant les droits des travailleurs.

Satte Pe Satta (Seven on Seven, 1982), transposition de la comédie musicale américaine Seven Brides for Seven Brothers, est un régal de comédie survoltée. Le film place à nouveau A. Bachchan dans un double rôle dans lequel il joue l’aîné de sept frères rustres et sans éducation, remis d’aplomb lorsqu’il se marie, ainsi qu’un tueur, qui est aussi son clone, déterminé à assassiner une jeune femme.
Après le succès phénoménal de « Bachchan Retour aux origines », la Film Heritage Foundation a programmé deux autres rétrospectives, « Dilip Kumar – Hero of Heroes » et « Dev Anand @100 – Forever Young », la dernière couvrant 30 villes et 55 cinémas à travers le pays. Le vent a tourné et les films du passé retrouvent lentement mais sûrement leur place dans notre présent et… notre futur.

Shivendra Singh Dungapur
Shivendra Singh Dungapur est cinéaste, archiviste et le directeur et fondateur de la Film Heritage Foundation

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