Compétition internationale
46e édition
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Cinéma indien : années 50

Les années 50 : L’Âge d’or du cinéma indien de Bombay

C’est la transition qui apparaît comme l’élément le plus frappant des années 50 et ceci sous des formes multiples. Le pays passe en effet de la colonisation à la construction d’une nation indépendante quoique sévèrement divisée. Outre l’émigration des hindous et des musulmans vers leurs nouveaux territoires respectifs, on assiste à un grand mouvement d’exode rural accompagné d’une évolution du féodal vers l’industriel, des valeurs traditionnelles vers des valeurs nouvelles. Naturellement, l’industrie cinématographique indienne reflète ces changements. Le « studio system » est sur le déclin depuis la fin des années 40 et les cinéastes individuels qui y ont été formés sont devenus pour la plupart de véritables institutions. Le « star system » qui avait fait son apparition dans les années 30 est maintenant devenu une des composantes reconnues et solidement ancrées dans la structure économique de l’industrie cinématographique. Le public lui aussi a changé et ne se compose plus seulement d’une élite de citadins aisés mais d’une population ouvrière que l’attrait des grandes villes avec leurs possibilités d’emploi accroît chaque jour…

Ce sont des « déracinés » qui pour la plupart font le cinéma de Bombay des années 50. Les Kapoor par exemple viennent de Peshwar désormais au Pakistan, et Bimal Roy vient de Dhaka désormais au Bangladesh. Malgré le traumatisme de la partition, cependant, la collaboration entre hindous et musulmans domine le cinéma de Bombay… Les équipes de tous les principaux réalisateurs se composent à la fois d’hindous et de musulmans. K.A. Abbas par exemple travaillera comme scénariste pour Raj Kapoor pendant de nombreuses années et il en sera de même pour Abrar Alvi avec Guru Dutt. Dans d’autres domaines comme la musique par exemple, cette collaboration inter-communautaire n’est pas remise en question. Les compositeurs hindous travaillent avec des paroliers musulmans et obtiennent de remarquables résultats. L’aspect le plus important de ces productions, c’est qu’elles sont le plus souvent le fruit d’un esprit d’équipe. Producteurs, scénaristes, acteurs et techniciens travaillent sur leurs projets mutuels.

Parmi les influences auxquelles les cinéastes de Bombay seront sensibles, on note la participation de membres de groupes théâtraux progressistes comme l’IPTA (Indian Peoples Theatre Association) et les « Prithvi Theatres ». Le premier festival international du film que l’Inde  inaugure à Bombay en 1952 en est une autre. C’est la première fois que l’on voit les oeuvres des cinéastes européens et japonais en Inde. La découverte de ces films a un impact considérable sur les réalisateurs indiens qui s’identifient plus facilement aux réalités qu’ils illustrent (l’école néo-réaliste italienne notamment) qu’à celle que proposent de nombreuses productions hollywoodiennes.

Pendant les années 50, aucune distinction n’est faite entre le cinéma populaire et le cinéma d’art. Bien que le premier film de Satyajit Ray, Pather Panchali (1955) soit un produit des années 50, il n’est pas considéré comme le signe d’un mouvement à part entière. Ce mouvement naîtra par la suite à la fin des années 60 avec un cinéma plus social et plus politique.

La production cinématographique des années 50 ne reflète pas son époque de façon directement politique mais, comme pour les films des années 30, se concentre plutôt sur le mariage des thèmes romanesques et sociaux. A la place, les inquiétudes de cette période mouvementée sont transformées et reçoivent un traitement symbolique à travers les thèmes abordés. Bien qu’il soit fait référence aux réalités sociales dans un grand nombre de films de cette époque, il est donné beaucoup plus d’importance à l’expression des émotions. C’est la fiction qui prime sur le réalisme dans les évocations de la vie proposées par la majorité des films de Bombay.

La sélection des films présentés à Nantes cette année offre un reflet représentatif des différentes tendances qui vont de la comédie légère (Mr & Mrs 55, Aar Paar) à l’aventure romanesque (Madhumati) en passant par le thème social (Awaara, Shri 420, Do bigha zameen, Do ankhen barah Haath) et l’épopée (Mother India). Mais ce qui domine ces films avant tout, c’est leur haute qualité technique et artistique. On peut dire que les films réalisés par Mehboob Khan, V. SHantaram, Raj Kapoor, Birmal Roy et Guru Dutt dans les années 50 constituent l’âge d’or du cinéma populaire hindi.

Nasreen Munni Kabir, Texte de présentation, Catalogue F3C 1984

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