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GANJA & HESS, obscur et inoubliable

29 Juin 2021 Programme 2019
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Présenté au Festival des 3 Continents en 2019 dans le cadre du Livre noir du cinéma américain et inédit en France, le film de Bill Gunn sort chez Capricci en combo Blu-ray / DVD restauré par le MOMA et The Film Foundation.

Comme pour mieux renseigner son affiliation distante à des films de vampires d’un autre âge, et à travers son titre jeté un ironique clin d’œil au Harold & Maud (1971) de Hal Ashby dont Bill Gunn fut le scénariste pour The Landslord (1970), Ganja & Hess (1973) s’ouvre sur un carton annonçant le retour d’une ancienne malédiction. Venue frapper le Professeur Hess Green (le maudit est interprété par Duane Jones qui vécut déjà l’enfer dans Night of the Living Dead de George A. Romero en 1968), anthropologue spécialiste de la civilisation noire Myrthia, l’infortune aura atteint le film lui-même.

Une beauté trouble et viscérale

Exploité longtemps dans des versions sèchement remontées ayant circulé dans des réseaux de salles miteuses, l’inclassable Ganja & Hess nous regarde aujourd’hui dans sa copie restaurée par le Museum of Modern Art et The Film Foundation et réaffirme sa beauté trouble et viscérale. Tour à tour sophistiqué et brouillon, obscur et inoubliable, Ganja & Hess ne nous laisse pas l’ombre d’une chance de trancher et exerce jusqu’à son terme son pouvoir de sortilège esthétique.

Un redéploiement des codes

Aussi, on aurait trop vite fait de ranger le premier des deux longs-métrages de Bill Gunn au rayon des curiosités s’il ne portait pas jusqu’à nous avec une vigueur presque rageuse le sceau inapaisable de son historicité. Résistant à toute entreprise d’étiquetage, Ganja & Hess n’en récuse aucune. Plutôt qu’il ne se situe à contre-courant, il dessine un embranchement idiosyncrasique où confluent les signes d’un cinéma d’exploitation fauché (Marlene Clark, outre une apparition dans le film déjà cité d’Hal Ashby fit une bonne part de sa carrière dans des films d’exploitation – action, horreur, science-fiction – ), les débordements parfois rédempteurs du cinéma expérimental et une forte imprégnation documentaire appliquée de son expérience par le directeur de la photographie afro-américain James E. Hinton.

Si Ganja & Hess passe alors essentiellement l’épreuve du temps, c’est qu’en étant tout cela il devient autre chose. Donnant le sentiment de se laisser contaminer comme aucun autre film afro-américain du début des années 1970 par les attributs du cinéma de la période, il cherche dans les marques-mêmes de son aliénation l’énergie de son redéploiement. On saisira mieux dès lors combien l’histoire d’amour de Hess et Ganja tire sa beauté tragique d’une terreur irrépressible : celle de voir s’absorber force vitale et damnation.

Jérôme Baron

Fiche film 

Plus d’informations sur le coffret sur le site de Capricci.

 

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