Flying Fish
(Igillena Maluwo)

Ce sont les conséquences de la guerre civile qui a opposé pendant vingt-six années l’armée du gouvernement central aux Tigres Tamouls que le film de Sanjeewa Pushpakumara cherche à scruter. Le film délaisse volontairement l’hypothèse du grand tableau historique de ces combats qui ont fait de 1977 à 2009 près de 200000 victimes pour rechercher dans les trajectoires quotidiennes des marques intimes de ce trauma. Derrière la beauté tranquille des paysages de campagne et une économie de parole appuyée, une menace sourde, constante, s’insinue dans la vie d’un village que le film raconte à travers trois récits entremêlés. Le point de vue partisan est évacué au profit d’une recherche plus introspective et le film se donne à la fois comme une oeuvre de mémoire et la trace d’une nécessaire reconstruction de soi. Chaque scène est emblématique d’une démarche éloignée de toute hautaine certitude sur l’Histoire. La frontalité de l’approche dit le caractère impératif de la démarche (tenir bon face aux excès de la réalité), elle induit simultanément une relation plus dialectique à la scène d’exécution. Cette ambivalence des signes en présence nous dit l’ambition et la lucidité de ce premier film qui signale pour nous l’apparition d’un cinéaste en devenir. Jérôme Baron