Compétition internationale
46e édition
15>24 NOVEMBRE 2024, Nantes
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Compétition internationale

Vouloir sa vie

Une longue et pénétrante nuit d’hiver passée dans la campagne coréenne, un village côtier du Mexique à la frontière indécise du fantastique et du documentaire, les interlopes chantiers expansionnistes de la ville de Singapour sur la mer, une ballade malaisienne drôlement mélancolique en trois mouvements, le rassemblement d’une fratrie dans un kibboutz agonisant du nord d’Israël, un port de la côte Ouest de la Thaïlande, un quartier populaire de la métropole de Belo Horizonte où l’on traque la dengue, la naissance d’un amour dans le tumulte des rues de Guatemala City, l’histoire d’un corps en miroir de la société indonésienne.
Les décors sont plantés. Le vivant y passe.

Les neuf films de cette 40e Compétition internationale semblent au premier abord bien étrangers les uns aux autres. En ce sens, nous avons eu d’emblée le désir d’accueillir leurs différences et l’hétérogénéité des signes qui les ancrent dans le cinéma contemporain comme une bonne nouvelle. Si des géographies éloignées et des esthétiques distinctes caractérisent cet attrayant rassemblement, ces films témoignent d’une attention à nouer les échelles et les mouvements narratifs qu’ils inventent pour nous les rendre proches. Ce sont d’expériences intimes qu’ils veulent être le récit : une histoire presque chuchotée (Faust), là, une vie qu’on décide de sauver au point de réorienter la sienne (Manta Ray), ailleurs plus au Nord, l’usure d’un couple soumis à l’épreuve d’une nuit (Winter’s Night), puis plus au Sud, la camaraderie, le compagnonnage venant à l’heure certaine pour ré-ancrer une femme dans sa vie en l’absence d’un mari évaporé (Temporada), ou encore, à la frontière d’une utopie qui a vécu, les négociations divergentes de trois frères avec ce qui en reste (The Dive – Un havre de paix)… Cette sélection compose une ample géographie des affects plutôt qu’elle ne vient faire peser lourdement sur eux les ombres néanmoins réelles d’un contexte. Il ne s’agit pas de refouler le dehors, ni de l’esquiver, mais de ne pas s’y laisser absorber, de se donner une chance. Pour soi-même, on peut bien sûr s’inquiéter, hésiter, mais décider aussi. Ainsi les trajectoires des films peuvent aussi être observées sous l’angle d’une série de doubles déplacements intérieurs et spatiaux, malaisés souvent, ils peuvent s’avérer salutaires : un nouvel emploi, un nouvel endroit, des nouvelles relations ; un voyage loin de chez soi ouvrant sur d’accidentelles crevaisons de vélo et rencontres ; la décision de prodiguer clandestinement des soins à un réfugié rohingya ; déplaçant le temps par fragment dans l’espace, la biographie d’un danseur ; l’heure d’un retour sur la terre familiale pour les funérailles d’un père ; l’enquête d’un policier menée aux confins de son propre monde ; un pèlerinage en forme de discussion longtemps retardée.

Il s’agit à notre tour de nous laisser prendre dans ses mouvements qui sont témoins d’une ardue reconquête du sensible. Laissons-le cinéma y tracer son chemin et faire son oeuvre.

Jérôme Baron, Maxime Martinot,
Aisha Rahim

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